jeudi, octobre 19, 2006

Draps. Peaux. Blanc.

Draps. Peaux. Blanc.
Entre nous, au début, ça n’a jamais été la guerre, plutôt l’amour fusion, genre plutonium enrichi. Pas de mièvrerie, pas de Chouchou ni de Loulou. Je l’appelais Kama, il m’appelait Sutra, ça faisait son petit effet chez les non-initiés. Amour épicé, on se passait le sel à longueur de journée et on avait toujours soif.

Draps. Peaux. Blanc.
On se retrouvait le lundi après-midi au Pentagone. Un café place du Midi. Salon de thé, plutôt. Très « trois fois vingt ». Mamies bourgeoises et mises en plis. Au moins, nous étions sûrs de n’y rencontrer personne. Il mangeait toujours un dessert à base de meringue qui portait le nom stupide de « Blanche-Neige ».

Draps. Peaux. Blanc.
Le lundi aussi, on allait chez lui. Kama aimait Sutra. Et j’avais la nette impression que c’était pour des lustres, qu’on s’envoyait en l’air comme des mines ultra-personnelles. On s’était presque décidés à tenter l’essai nucléaire mais, sans l’accord de l’ONU, c’était plutôt risqué. Sutra aimait Kama.

Draps. Peaux. Blanc.
Et puis un jour, Kama m’a demandé quelque chose de bizarre. Une alliance. Un traité. Je devais faire une tête genre « Maman les petits bateaux qui vont sur l’eau ». Ils n’ont pas de jambes, les petits bateaux. Pas pratique pour la fuite. J’avais envie de fuir. J’ai voulu lui faire comprendre que c’était pareil que pour les essais nucléaires, à Kama. Pas d’alliance sans accord préalable de l’ONU.

Mais Kama n’avait pas envie de rire.

Draps. Peaux. Blanc.
Evidemment, je n’aurais pas cru qu’il viendrait avec son bout de papier. Je ne sais pas comment il s’y était pris, mais il était tout de même parvenu à avoir l’accord du Ministre des Affaires Etrangères. Là, j’étais cuite. Mes cendres n’avaient plus qu’à se loger dans une urne et décorer une cheminée américaine (il parait que c’est très à la mode, là-bas).

Draps. Peaux. Blanc.
C’est demain qu’on signe l’alliance avec Kama. Et bizarrement, maintenant, je me fiche de tout accord préalable, de toute réflexion stratégique : j'ai l'urticaire d'amour au corps, et je signerai. Sans réfléchir. Avec une joie féroce. Je deviendrai Madame Kama-Sutra.
On a décidé de garder les deux noms, en cas d’enfant. A l’espagnole.
Il parait que dans ma robe, je ressemble à Blanche-Neige. Je préfère croire que l’idiote qui m’a dit ça n’est jamais allée manger de meringue au Pentagone.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très joli texte, sans un mot de trop, comme un poème.

Mentor a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.