mercredi, mars 14, 2007

"Eureka street", de Robert McLiam Wilson

Eureka Street est de ces romans touchants qui allient la nervosité d’une écriture franche et directe, non dénuée d’humour, à une vision humaniste et entière sur un bouquet de personnages plus attachants les uns que les autres…

Les rues de Belfast en ont vu traîner des misères, des explosions, des graffitis de la vie mal orthographiés, des combats qui ne savent plus trop où ils en sont… Les rues de Belfast crépitent encore d’une peur qui parfois s’anesthésie par habitude. Les rues de Belfast sont pitoyables, parfois.
Mais dans les rues de Belfast, il y a Chuckie, le protestant gros et moche, sympathique, pas très malin, qui un jour, par miracle, attire dans son cœur et dans son lit l’explosive Max, l’américaine de tous les fantasmes, et qui, par un autre miracle, réussit à faire fortune par le biais de combines tordues et fantasques. Et puis il y a Jake, le beau gosse qui se perd dans un sale boulot, dont l’intelligence poétique ne suffit pas à lui donner de la chance en amour, Jake le catholique, qui ne supporte pas les slogans républicains qui ont perdu leur sens (surtout pas ceux d’Aoirghe, la fille au nom aussi imprononçable qu’un éternuement), ni les attentats de l’IRA dont les revendications dépassent les besoins populaires, Jake le grand cœur qui s’accroche aux basques, sans bien le vouloir, Roche, le gamin des rues, un brin gouailleur, un brin casse-pied, un brin arnaqueur mais fondamentalement charmant.

Un style très rock n’ roll, où jamais le regard ne se sent alourdi par un contexte social pas toujours réjouissant. Il y a le drame, il y a la vie, on choisit d’en faire une complainte ou une musique dynamique et optimiste. McLiam Wilson ne dénigre ni n’amoindrit l’aspect tragique, politique des conflits irlandais. Mais il propose, par sa vision du monde et des gens, de passer au-delà. Au-delà des clivages et des illusions dont se bercent ceux qui croient toujours être dans le camp des gentils. D’apprendre à renoncer à un combat dépassé, d’accepter les différences qui n’en sont plus. D’être irlandais comme on est humain. Point à la ligne.

« Ce fut un moment affreux ; (…) j’ai dû reconnaître qu’à mes yeux aussi, les Noirs se ressemblaient tous. Mais à dire vrai, les Blancs aussi se ressemblaient tous pour moi. A mes yeux, nous avions tous l’air plutôt moches. »

Beaucoup d’émotions qu’on ne sent pas fabriquées. Ce roman est touchant, vraiment bien écrit (parce qu’il s’attache à être vrai, sans prétention mais avec humour et subtilité), intelligent, profondément intelligent.

Et passionnant, quelle évidence.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai lu ce roman récemment, et moi aussi j'ai beaucoup aimé la façon de McLiam Wilson de parler de choses très sérieuses avec un certain humour/détachement. C'est la meilleure façon de faire passer son message au plus grand nombre.