"Moustiques", William FAULKNER
Difficile d’entamer une critique de Faulkner quand la crainte de bafouer le respect qu’on lui porte est entière.
Moustiques.
Deuxième roman de Faulkner, écrit en 1927, pas le plus souvent cité, pas le plus connu. De manière étonnante, c’est aussi le second roman de lui que j’ai lu, et relu aujourd’hui pour lui faire un peu de place sur le site.
Moustiques, lancinants, égoïstes et inconscients.
Nous n’y sommes pas encore, mais bientôt, après une quarantaine de pages, nous embarquerons sur la « Nausicaa », yacht amarré à la Nouvelle-Orléans. D’abord, il faut esquisser le petit monde qui montera à bord, le petit monde désuet et absurde, composé d’artistes et de personnages ne sachant que faire de leur intelligence. Sculpteur, romancier, mécène ou simplement non-artiste, chacun vient se piquer à l’autre, parler, parler, parler, et s’ennuyer jusqu’à plus soif.
Sur un rythme lent et désordonné, les conversations vont bon train : art, humain, homme, femme, transit intestinal, écriture, pisciculture, séduction, métaphysique,… Chacun veut apporter sa pièce au puzzle ou bien y échapper, mais les mots vont et viennent, s’usant sur les pages en vaguelettes chaudes et insistantes.
Difficile de ne pas se demander jusqu’où va l’autobiographie, dans ce roman, de même que dans une grande part de l’œuvre de Faulkner. Difficile de se ne pas de demander s’il n’a pas rencontré un jour ces personnages qu’il met en scène avec un art cynique et nonchalant sur le pont de la Nausicaa.
Déjà, il touche la misogynie du bout des doigts, la peint en traits plus appuyés et la déclare ouvertement.
Déjà, le puritanisme américanisé s’exalte.
Déjà, la violence se terre sous les dehors parfois ridicules d’une société qui s’invente sans cesse.
L’absurde des situations que Faulkner amène est presque crédible tant il manie les mots avec la précision d’un horloger. Que ce soit le croisement de chevaux et d’alligators ou le projet d’un des personnages (Anglais de surcroît) de faire vendre des sels laxatifs à la population américaine ( 1) ils sont tous constipés 2) ils sont tous cons), toujours le ton employé garde une distance caustique, un désabusement surprenant, et nous séduit par son intelligence.
De prime abord, on se sent loin de la force dramatique de « Lumière d’Août » ou « Le Bruit et la Fureur ». Mais le titre de ce dernier n’était-il pas inspiré de Macbeth qui disait en substance que la vie n’était qu’une histoire contée par un idiot, pleine de Bruit et de Fureur ? Ici, on pourrait croire en l’absence de bruit et de fureur, et pourtant… la vie dans sa simple histoire y est, contée par un ou plusieurs idiots qui tentent peut-être de se convaincre qu’ils savent où ils vont…
« (…) dans la vie réelle, tout peut arriver et les gens peuvent faire n’importe quoi. C’est seulement dans les livres que les hommes doivent obéir à des règles arbitraires de conduite et de probabilité ; c’est seulement dans les livres que les événements ne doivent jamais abuser de la crédulité du public. (..) - Voilà pourquoi la littérature est un art et non la biologie… »
Ah bon ?
Dès son deuxième roman, Faulkner était déjà grand.
A déguster comme une boisson douce-amère, avec la préface apéritive et plutôt personnelle de Raymond Queneau.
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