vendredi, mars 31, 2006

Un poisson d'avril le 31 Mars?

Ce matin, j'entends les infos annoncer que, sur une déclaration de l'Etat-Major grec, les homosexuels sont désormais interdits de servir sous les drapeaux, que ce soit pour le service militaire ou dans l'objectif d'en faire une carrière. Suite à un décret de 2002, il est donc clairement établi que l'armée est inaccessible aux personnes souffrant de "lourds problèmes psycho-sexuels ou d'identité sexuelle". Sachant que le certificat militaire est nécessaire dans ce pays pour avoir accès au travail ou l'obtention du permis de conduire, on croit rêver. En exemple, un homme "dispensé" aurait eu à subir 6 mois d'internement psychiatrique, exigés par le ministère des Transports, le motif d'exemption du service (perversions sexuelles!!) apparaissant clairement sur la dispense en question.

Après un instant de consternation, je me suis demandée quelle était la date??? Non, décidément non, nous n'étions pas le 1er Avril...

jeudi, mars 30, 2006

Scène de pose.

Texte né d'un de nos exos en direct sur Vos Ecrits. Texte à mettre en vie, inspiré d'un tableau imposé. J'avais hérité de "La jeune fille à la perle" de Vermeer. J'ai triché, et me suis appropriée la "Judith I" (Judith et Holopherne) de Klimt. Quelques petites retouches depuis, d'autres à venir, certainement.

Scène de Pose

Il fait froid, mais je sais qu’il n’y aura pas un degré de plus dans la pièce car il aime voir la buée s’échapper de mes lèvres entrouvertes lorsqu’il peint. Parfois, il fait même un croquis des formes laissées dans l’air par ma respiration. C’est ce que je préfère de lui, ces croquis multiples, libres et changeants.

La plupart du temps, il les jette au feu. Après.

Pourtant, je voudrais stopper net, plus d’air, plus de croquis. Il a envahi mon territoire. Cette situation, c’est lui qui la domine. J’aimerais poser nue, mais il m’a enfermée dans un enclos de vêtements, de bandeaux, de regards appuyés, de silences. Alarme au moindre frémissement de la boucle d’oreille qu’il a accrochée si lourdement à mon lobe gauche. Comme un témoin de mon immobilité fragile. Jamais il ne me touche vraiment, il me positionne de loin. Sans même frôler ma nuque, sans y poser le doigt, et encore moins la langue.

J’aimerais être une autre : ronde et nue sur un tapis de drap blanc, la main couvrant négligemment mon sexe, comme pour susciter une envie qui jamais ne l’effleure, lui. Nue encore devant une fenêtre, un oiseau sur l’épaule, un soupir. Non, pas ça non plus. Peut-être démantelée, mi-corps mi-objet, triturée, abstraite. Ou fumant un tabac d’orient, négligée, dans l’attente.

Oui, j’attends, quelque chose qui ne vient pas, je le regarde, j’aimerais qu’il me touche au lieu de m’esquisser, qu’il me palpe d’un doigt tendre au lieu de me colorer, de me mettre en carcan sur une toile. Je voudrais… être. Moins fade, moins patiente, moins vierge.

Il s’approche, replace une mèche échappée de mon bandeau.

Et c’est là.

Là que je bouge, que je relâche ma nuque raide, que je lève une main vers son front pour imiter son geste. Quitter mon vernis, le craqueler. Effleurer la légèreté d’une mèche de cheveux. Les siens.

Il me repousse, grogne : j’ai gâché les couleurs, basculé les nuances, mélangé le clair-obscur. Carnage.

Alors, je sais. Je sens, celle que je veux être. Le tableau qui m’attend.

Je deviens Judith.

Un couteau sur la table, déjà, il est entre mes doigts. Je plonge ma main dans ses cheveux, m’y arrime, et tranche, découpe, cisèle, sa gorge est si tendre. Il aurait aimé ce rouge. Holopherne, c’est lui. Il entre dans mon tableau.

Son corps tombe au sol. Sur un tapis de drap blanc. Amusant, sa main est négligemment posée sur un sexe invisible. Je n’ai plus envie.

Je dégrafe ma robe, juste le haut. Contre mon ventre, je presse sa tête encore chaude. Le soleil d’hiver se reflète, doré, sur des éclats de verres brisés. Mes paupières se ferment, s’arrêtent en chemin, et je demeure immobile.

Scène de pose.


Murat

Parce que Murat, ce sont les mots, parce que Murat est un poète imprégné, parce qu'il est l'arme d'une création débridée et lumineuse, parce qu'il offre une musique dans l'écrit, la voix, l'interprétation et que ça me prend aux tripes droit dedans, là, un bout, aujourd'hui, et sûrement encore demain...

"Foule Romaine"

Au lac de Côme l'autre Mardi gras
j'allais faire un tour en cabine
j'allais faire un tour dans le petit bois
tâter l'âme soeur qu'on devine
dans la foule romaine
il y a foule à Rome ...

Buongiorno amore v'là la bête humaine
me reconnais-tu
oh quand même
alors le lion qu'en as-tu pensé
ah on aurait tort de se gêner
dans la foule romaine
il y a foule à Rome ...

Tes baisers ma mie
tes gestes de reine
tes orgasmes doux
comme on aime
destins d'animaux
et désirs idem
basta on s'en fout
on s'entraîne
dans la foule romaine
il y a foule à Rome ...



mercredi, mars 29, 2006

Obsessions

Alfred Kubin (1877-1959), artiste autrichien, est mis à l'honneur dans le cadre de l'exposition "Obsessions", menant un front double à l'hôtel de Ville de Bruxelles et au Musée Félicien Rops à Namur.
Ca, je l'ignorais jusqu'à avoir l'oeil attiré par l'article paru dans mon Vif hebdomadaire. Magie Noire. D'abord, fascination pour l'image. Un coup de crayon épuré, une froideur sensuelle, je m'attache au détail. Die Haarschleppe. La traîne de cheveux. Plus loin, l'entrée dans l'imaginaire fouillé et complexe de Kubin, mis en accord avec celui de Rops, Goya, Gauguin, Ensor ou Degroux.
Plus loin encore, j'entre à l'hôtel de Ville, cet après-midi. Autour de Kubin, ces artistes qui ont partagé son univers et dont il s'était procuré avidement les oeuvres. Une encre de Chine de Goya, une aquarelle de Gauguin. Il était méticuleux dans le besoin d'enrichir son monde solitaire, il se le peuplait de créatures absurdes, de délires morbides, de pornographie fantasmagorique.
"Le véritable spectateur, celui que j'espère, ne regarde pas uniquement mes dessins l'oeil ravi ou critique mais comme animé d'un contact secret, son attention doit aussi se tourner vers la chambre noire, riche en images, dans sa propre conscience onirique."
Sa curiosité obsédante pour les cadavres naquit à la mort de sa mère, emportée par la phtisie dans d'atroces souffrances. D'abord attiré par le fantastique absurde, les cochons ailés, les squelettes en danse folle, les délires imaginaires de Kubin finirent par représenter seulement et uniquement ses détresses morales, sa profonde tristesse à l'annonce de la Grande Guerre. Isolé dans son chateau jusqu'au dernier moment. Cette mort que lui-même finit par ne plus craindre.

"L'assurance qu'une chose merveilleuse peut venir du rêve est capable d'électriser la grisaille quotidienne avec autant de poésie qu'un conte mystérieux."

J'aime cette idée. Cette exposition avait tout de l'atmosphère sombre et déjantée du "Maître et Marguerite". Mort, absurdité, fantasmagorie, sexe, terreur, part sombre et hantise des artistes rassemblés là autour de Kubin.

Quand le rêve devient fascination, ensorcellement, possession, besoin tellement intense qu'il n'existe plus que dans son accomplissement, sa naissance, sa création.

Déroutant, effrayant et pourtant...

mardi, mars 28, 2006

Comme ça vient...

Un défouloir né il y a tout pile un an... des mots sans laisse, je vous les laisse. ;o)

Tu m’agaces, me dépasses, m’envahis, m’étourdis, tu m’espionnes, me bourdonnes, tu m’irrites, tu m’effrites, tu me fâches, tu me lâches, m’ décourage, quel dommage ! j’en peux plus, j’l’ai voulu, ça s’emballe, c’est normal, un : j’explose, deux : j’implose, me touche pas, moi, l’appât, sois prudent, décadent, je m’oublie, m’éparpille, j’ai besoin, de tes soins, tu m’énerves ! t’es en verve ? J’m’illusionne, me fusionne, me remplis, m’engourdis, une diablesse, en détresse, me lamine, mal ami ne, haut-le-corps, dés-a-corps, ça m’étouffe, me rend ouf, ouvre-moi, en émoi, à l’envers, allant droit, à l’endroit, allant vers, bacchanale, pas vénale, je rougis, tu agis, dans mes bras, nabab ras, je désire, là gésir, où tu vas ? Terre-Neuve ? ah ! le désert, la braise erre, crispe-moi, défend-moi, clos la porte, bois l’eau-forte, déshabille, on s’envie, j’t’aiguillonne, tu m’talonnes, tu me gênes, indigène, indigeste, et le reste, tais-toi donc ! oh, pardon, paralyse, par là vise, visage pâle, bleu opale, interdit, lent lundi, s’assoupir, s’endormir, c’est la grâce, on s’embrasse ? en éclats, être là, être bien, être à rien, être nous, être tout, étriper, s’agripper, fossoyeur, soie d’ailleurs, oublie-moi, ou lis-moi, tu t’entasses, tu t’ramasses, tu t’égares, tu t’égard, t’as la pêche, t’es revêche, tu me glaces, tu m’effaces, tu expires, tu transpires, Travolta, un volt a, cinq avril, t’es viril, tu t’les bouges ? j’bois du rouge, en défriche, c’est d’la triche, on s’arrête, on s’entête, faudrait bien, stopper l’train, virer de bord, t’es d’accord ? c’est fini, l’infini…

Benoît Sokal exposé au Rouge-Cloître

Né en 1954, Benoît Sokal est un dessinateur belge désormais mondialement renommé. Rendu célèbre par les aventures de l'inspecteur Canardo, plus tard par l'album "Le vieil homme qui n'écrivait plus", il s'est vite approprié les bénéfices et le renouveau de l'informatique dans la colorisation de ses dessins. De là à passer vers le 3D, il n'y a qu'un pas. Sa collaboration dans la création de jeux vidéos se concrétisa par "L'Amerzone", d'abord. Par "Syberia", ensuite, univers magique, au graphisme riche et délicat. Avec de l'âme. Un monde bien propre à Benoît Sokal. Parfois d'une beauté à couper le souffle, magnifiée d'autant plus dans "Syberia 2", suite et fin des aventures de Kate Walker.
C'est cette évolution de la Bande Dessinée au jeu vidéo que veut mettre en évidence l'exposition du Rouge-Cloître, maintenant que ce lien devient si étroit, que les deux mondes fusionnent.

A découvrir... Hâte et curiosité. Dans la poche des billets d'entrées gagnés grâce à Pure Fm (merci!! pour une fois que je gagne!). Le cadre parait tout choisi, ajoutant peut-être a cette sensation souple et rêveuse, magique et singulière, que m'inspire l'oeuvre de Sokal. Impressions à venir, bientôt...


lundi, mars 27, 2006

"The one you love"

The mind has so many pictures
Why can't I sleep with my eyes open
The mind has so many memories
Can you remember what it looks like when I cry

I'm Trying, trying to tell you
All that I can in a sweet and velvet tongue
But no words ever could sell you
Sell you on me after all that I have done

I'm only the one you love
Am I only the one you love?
The Lady Gloom and her hornets circling round
Is now before us, the screaming's done without moving
One little move and for sure you will be stung

I'm singing "Oh, Jerusalem oh, Jerusalem
See what he's picked up in the park"
Let's f**k this awful art party
Want you to make love to me and only to me in the dark

I'm only the one you love
Am I only the one you love?

We've traded in our snap shots
We're going through the motions
Into the view, I'm leaving you
Down Conduit Avenue into the early morning
Into the early morning
The one I love
Are you only the one I love?


R. Wainwright

dimanche, mars 26, 2006

Neverending story



Un peu de nostalgie... Si aujourd'hui ce film a des relents kitchs et décalés, son thème et son univers ont créé, je crois, une partie de la petite fille que j'ai été. Le rêve, ce qui fait de nous un être humain. L'imagination, ce qui rend la vie un peu moins banale. Lire est aussi une forme d'évasion, quand elle n'est pas échange, rencontre, apprentissage ou découverte. Rares sont les fois où un film précède un livre. Ici, ce fut le cas.
J'avais cinq ans à sa sortie en 1984. Je l'ai vu plus tard, date indéterminée. Contrat entamé. Un gamin découvre un livre "pas comme les autres", qui ouvre la porte vers le monde de Fantasia, celui des rêves. Mis en danger par l'humanité, qui, gavée d'images, oublie d'imaginer. De créer son monde, d'inventer. De vivre dans l'abstrait et l'irréel, aussi.

Bastien est un petit gars perdu, sa mère est morte et il dérape à l'école. Bastien lit, Bastien s'échappe. Et Bastien entre dans le monde de Fantasia.
Par la fenêtre de la pensée, s'échapper, créer un monde, être ailleurs, vivre ailleurs, autrement, entrer dans le livre, pour de vrai. Mon rêve de gosse se réalisait dans ce film. Beaucoup d'attachement au rêve, depuis toujours.

Garder les pieds sur Terre mais la tête dans les nuages. Toujours.

"Sumo sur brin d'herbe" d'Alexandre Millon

Urgence à la vie

Constantin a la quarantaine, est célibataire et gagne sa croûte comme gardien de Musée. Il vit dans un appartement bruxellois, en concubinage avec un Juncus Spiralis, une plante qui « boit comme trou » et qui a, par ce détail, hérité du nom de Bukowski. De sa famille, il ne reste que Laura, sa sœur, dont la réussite professionnelle n’a d’égal que les échecs sentimentaux. Laura était « l’aimée », celle du père qui avait usé tous ses sentiments quand il s’agissait d’en éprouver pour son fils.
Frère et sœur viennent de l’enterrer, ce père, déjà veuf depuis longtemps. De lui, Constantin ne veut récupérer qu’un vieil orgue de Barbarie, héritage des anciens, détraqué et solitaire, et dans lequel Laura ne voit qu’un maudit bastringue, encombrant et inutile…

Mais le récit ne démarre pas avec Constantin. Il s’ouvre sur Léon Barth, vieil homme sec et amer, esseulé des humains et à la retraite anticipée de son métier de facteur suite à une agression. Léon hait, Léon ne comprend pas, Léon attend de déverser son fiel, jusqu’à l’irrémédiable. Léon est le corbeau noir du récit, qui réapparaît par petites touches au fil du roman…

Constantin s’alourdit de la vie, se cherche, marche pour exister, sentir. Vient sa rencontre avec Blanche la brune, au corps d’ado. Il se donne le droit de désirer, puis celui d’aimer. Il vit de leurs rencontres, s’en nourrit. Sumo sur brin d’herbe est une histoire d’amours, surtout.
De la tragédie drôle, de la comédie triste, la vie de Constantin frise toujours le tendre, l’optimisme à travers les coups durs, les déceptions, les doutes. Il avance, rebondit, sincère et vrai.
Histoire d’amour entre un gardien de musée et une chocolatière. Qui sont plus que ça, qui sont surtout deux êtres humains intelligents, se cherchant dans les sinuosités du quotidien, sans carte en main, et sur le point de trouver le bon chemin après quelques erreurs de calculs.
Car parfois la vie nous fait don d’un GPS…

Aimer l’autre, croire en lui, faire confiance en l’existence, avoir pour confident une plante ‘hydroo-lique’, de sa propre pesanteur diminuer l’intensité et rebondir, tel un ricochet, toujours et encore, vers un futur qui nous reconstruit perpétuellement. C’est ça, Constantin. Le Constantin que j’ai lu.
En antonyme, ce Léon perdu, cruel et désespéré, qui casse la vie de mots haineux et de mal-être, xénophobe et misanthrope, que se replie, se carapaçonne dans sa douleur, colère sans fond.
Les contrastes font parfois les grands sentiments.

Alexandre Millon est maître en art de la formule, de l’image qu’il soutient et embellit, de la poésie visuelle offerte. Un livre doux-amer, optimiste toujours, humaniste surtout.

La vie est une tarentelle, c’est l’orgue de Barbarie qui le dit, ce maudit bastringue…

Site de l'auteur : http://alexandremillon.site.voila.fr/

jeudi, mars 23, 2006

Rufus Wainwright, l'agnus dei...

"Want Two"

Un visage doux, une voix plaintive, caressante. Je découvre le nouveau Rufus, "Want Two". Il reste fidèle à ses accents lyriques, un brin de mélancolie, un chant parfois coulé entre les lèvres, glissant comme un serpent sur sable fin.
Subjuguée par l'entrée dans l'album: "Agnus Dei". Un grattement de corde, un violon réincarnation tzigane, et puis la voix, un chant en latin, un crescendo. Un côté grandiose, symphonique, pour une amorce accrocheuse, comme dans l'opus "1", "Want one", avec "Oh what a World" qui se mélangeait au Boléro de Ravel.
Il y a quelque chose de sensuel et paradoxalement enfantin, chez Rufus Wainwright, comme si, en l'écoutant, on ne pouvait l'imaginer sans sa mine boudeuse et délicate. Un petit côté étheré, intemporel, aussi.
Il sort de l'ordinaire, de l'habituellement écoutable. Il fait son genre. Le crée, reste lui, et avance, riche de sa vie d'enfant d'artiste.
Et il me plait, ce garçon.

mardi, mars 21, 2006

Curriculum vitae 2


Captivité totale. Troubler par le regard, lui parler quand elle m'ignore, de quelques miaous qu'elle comprend très bien, même si on ne parle pas la même langue. Tendre une patte quand elle écrit, lui effleurer le bras pour lui montrer mes yeux. Et qu'elle fonde. Je sais faire ça. Très bien.

Curriculum vitae 1


Tu crois quoi? Que je te regarde? Ca sent le chaud ici. Le monde des gens, il fait trop de bruit, je suis bien là, dans mon ventre de draps. Je pense, je métaphysique, je fais régime de mes petites frayeurs. Et au diable le sport. C'est mauvais pour ce que j'ai.

dimanche, mars 19, 2006

Don't bring me down

Brokeback Mountain

Pas de monde dans la salle, quelques couples, une mère et sa fille, un femme seule. Puis une autre, moi. Cinéma désert, écran désert, coeur désert. J'ouvre les yeux, j'attends de voir le film dont on parle sans rien dire, qui plait, qui déplait. Je suis vierge de tout.
Finalement, je ne m'attends pas à ça. Etre remuée, être mal de trouver ça beau. De savoir que tout ça, c'est une belle histoire, du cinéma, du trop, dans le décor, dans le ton. Et en même temps, il est splendide le contraste sobre et violent, dérisoire et désespéré, la beauté perdue des sentiments, la folie du manque. Vivre de l'incontrôlable, s'aimer d'un amour fou car sans folie, ce n'est pas de l'amour. Emouvant. Vrai ou pas, je l'ignore, crédible ou pas, je l'ignore. Mais sincère, je le pense.
Musique, dolence, violence, sur la montagne tu m'aimes, c'est moi la montagne, à en crever, déchirure, herbe ton corps, perdre, accord toujours, besoin d'odeur, la tienne... Pudeur.
J'ai le coeur en poche et il en sort bien trop souvent. Avoir les yeux qui se mouillent en cachette et la terrible envie d'inspirer sans relâcher l'air trop vite. Je m'en veux d'être ça... Il parait que ça passe.

"Norma, Roman" de Daniel Charneux

Norma Viene
Et elle vient la Norma. Elle a abandonné sa chevelure argentée, sa vie couleur platine, son image sans reflet. Elle a abandonné l’Autre, la déesse de l’écran. La femme apprêtée, le physique tendre et moelleux d’un sex-symbol.

Au prix d’un cahier rouge et d’une demi-vie, elle se cache. Elle revit, elle est Norma. La prêtresse ? Chaste et seule, elle se livre. Et se délivre du mythe.

Norma Jean Baker a tué Marilyn Monroe.

Rythmée de phrases brèves, de souvenirs courts et parfois brutaux d’une fausse existence gâchée par le seul vide qui lui était laissé, Norma raconte. Un jeu d’identités dont il ne sort qu’une gagnante, ou peut-être même aucune ?

Tout le temps, la Norma de Bellini en tête, elle qui si souvent déjà m’a faite frissonner dans ses paroxysmes de beauté. Tout le temps Casta Diva. Les deux Norma sont amies, sont jumelles et unies dans le roman de Daniel Charneux. Elles vieillissent ensemble, mortelles et éternelles. Solitaires.

De cliché en cliché, la vie d’avant est revue et non corrigée. Les manques, les ratés, le vinyle rayé de la vie, les absences. Avec émotion et douceur, l’auteur rend un pudique hommage à la femme derrière la légende et c’en est terriblement touchant. Les mots aident, les phrases sont courtes, coupées d’instants, hachées de sons, de Musique, d’images, comme l’est la mémoire.

« Aujourd’hui, vieille et pacifiée, je m’accepte. J’accepte de n’être plus personne. »

L’amour des mots, il est là. Pour transcender la tendresse envers cette Norma qui s’écrit et se dit. Qui nous ramène maternellement à nous. Et qui, à la fin du roman, nous manque…

Norma viene…

Le site de l'auteur: www.gensheureux.com

vendredi, mars 10, 2006

Eidésis, quand tu nous tiens!

"La Caverne des idées" José Carlos Somoza

Il se trouve des romans qui nous poussent au-delà de notre passivité de lecteur et « La Caverne des Idées » en est un.

Un jeune éphèbe est retrouvé mort dans les rues d’une Athènes encore traumatisée par une guerre du Péloponnèse fraîchement terminée. Publiquement annoncé comme causé par l’attaque de loups, ce décès brutal d’un élève de l’Académie de Platon laisse sceptique son mentor, Diagoras, qui s’empresse de s’adresser à Héraclès Pontor, le fameux « Déchiffreur d’Enigmes ». Ce dernier accepte de s’intéresser à l’affaire, intrigué lui-même face à certains détails non explicables par la version officielle.

Mais bien sûr, ça ne se résume pas à cela. Semblable de prime abord à une intrigue Agatha-Christienne antique (on tend à y croire quand « l’investigateur » se nomme d’une façon si familière au héros belge), ce récit se trouve être un ancien manuscrit mis entre les mains d’un Traducteur qui l’annote consciencieusement au fil de sa traduction. Se greffe alors une histoire autour de l’histoire, lorsque notre traducteur anonyme semble repérer une technique littéraire au sein du texte : l’eidesis. Celle-ci, inventée par les anciens auteurs grecs, consisterait en la dissimulation d’un message secret à l’intérieur de leur œuvre par le biais d’une répétition de mots et de métaphores. Ainsi persuadé d’être face à une énigme toute prête à être déchiffrée, le Traducteur devient obsédé par ce récit mais doit faire face à l’incrédulité et le désintérêt de ses collègues. Pourtant, lorsqu’il lui semble que certains signes, à l’intérieur du texte, lui sont directement adressés et qu’il se fait kidnapper par un inconnu le pressant de terminer sa traduction, l’importance de ce fameux message caché ne lui laisse plus aucun doute…

De là à impliquer davantage le lecteur dans la portée du roman, il n’y a qu’un pas…

Un roman original, richement composé, surprenant jusqu’à la dernière ligne. L’intrigue nous attire, les joutes entre Héraclès le « raisonneur » et Diagoras le philosophe sont brillantes, et ce fameux thème de l’eidesis nous mène par le bout du nez bien plus loin qu’on ne l’imaginerait au départ. Platon promène son ombre tout du long et cela sans déplaire à une profane de mon genre. Je veux croire et espère que sa théorie des Idées, élément clef du récit, n’a pas été trahie par l’auteur.

Une excellente expérience en ce qui me concerne, car en tant que lectrice, je me suis sentie gâtée…

jeudi, mars 09, 2006

Il parait que...

Les poules ont eu des dents. Les ancêtres de nos chers gallinacés ne pouvaient pas se fier au dicton célèbre, et n'avaient pas à créer de comité anti-confinement pour cause de grippe aviaire. Je me dis qu'une poule dentée devrait soit avoir l'air franchement ridicule, soit franchement pas sympa. Ca peut se savoir: des scientifiques ayant tenté de retrouver le gène (toujours existant, semble-t-il), de la poussée de canines version poulette, un OGM nommé Talpid 2 (Talpid 1 s'étant probablement mordu le bec de déconfiture) a vu le jour, enfin plus ou moins...
Risquons-nous des confrontations futures en ortho(ornitho)dontie? Et puis, au diable nos lieux communs.
Il ne pleuvra plus comme vache qui pisse car qui sait... les ancêtres de Marguerite avaient peut-être une plus petite vessie?
Qui naît loup ne meurt pas agneau, c'est bien connu mais pour l'inverse, on ne sera plus jamais trop sûr.
Vous avez le nez en bec d'aigle?... hum hum d'ici peu, ce sera l'aigle le plus vexé.
Et qui bridera l'âne par la queue s'il n'en a plus? On ne pourra plus rire comme une baleine ni courir comme une belette...
Vraiment, je préfère les poules sans dents.

mercredi, mars 08, 2006

"Ceci est mon corps, livré pour vous"

"Les pluies ne durent jamais en Ecosse" C. Godart
Les pluies ne durent jamais en Ecosse, les douleurs fanent, les amants passent, le besoin reste.

Carl Ferenzi est un jeune auteur d’à peine trente ans. Il déplace sa vie dans les aéroports. En partance, souvent, tenté d’oublier que toujours « le retour sera inévitable ». Il attend son vol pour Nice et c’est la rencontre. Avec un homme, un inconnu, elliptique, curieux. Un homme qui suscitera chez lui l’envie de coucher sur papier son « lui », sa mémoire, ses fantasmes, son intérieur, dans un voyage écrit fait de maux, de plaisirs, pour se trouver ou déjà simplement se chercher… « Avec vous et par votre grâce, je chasse tous les démons de mon enfance. Avec vous, je me sépare des ombres et des monstres du placard. Avec vous, je me jette à l’eau .(…) Je me suis jeté à l’écriture, comme on s’en remet à la prière, récitant des maux qui n’étaient pas toujours les miens, sans jamais tricher. »

Dans cette longue lettre à l’anonyme, il y a l’intention libérée, le pèlerinage dans sa part d’ombre, en lui, en tout le monde, l’analyse de ces fantasmes sans lesquels on ne vit pas. Et le narrateur s’y livre sans pudeur, à ces fantasmes, il s’explore, avec le lecteur comme récepteur de son journal de bord. C’est aussi l’histoire d’un amour fou (fou, l’amour ne l’est-il pas toujours un peu ?), celui pour l’inconnu, celui pour Mathieu, l’Amant.

Et c’est beau.

C’est un roman soigné, d’un côté, désordonné de l’autre, comme le sont les pensées, les désirs, la vie. Il y a l’amour des mots, dont l’auteur joue, un peu, beaucoup, à la folie. Il en fait ce qu’il veut, pour aller au plus près de ce qui doit être dit, sans doute. Il les taquine, attente à leur pudeur, les entreprend, bouleverse l’ordre, advienne que pourra, qui lira verra.

« C’est qu’au dernier souffle de ma vie, je veux qu’une orgie soit organisée. Et que j’en sois l’instigateur. Le grand masturbateur. Le centre du monde. Que mes camarades n’aient pas plus de vingt-cinq ans. Je veux mourir entouré de jeunes amants, dans une chambre d’hôtel. Ma mise en bière se fera au champagne. Et ils continueront de faire l’amour, lorsque j’aurai quitté la pièce. Ils feront cela, en mémoire de moi. »

« Les pluies… » est suivi d’une nouvelle « Laissez un message après le strip », ayant les mêmes gènes, à quelques petites différences près, petites faiblesses : celles du péché du « trop bien faire ». L’auteur y manipule tant les mots, de néologismes en détournements, que leur beauté parfois s’annule, parce qu’on en a plein les yeux, oui, mais trop…

J’ai aimé lire ce livre, dont l’écriture s’enchaîne, s’écoule, freins lâchés, nous bouscule mais avec un brin de tendresse, quelques part entre les lignes.

Un roman sans garde-fou, premier et libre.

mardi, mars 07, 2006

Et puis un bout de vie, pour poursuivre...

Les blogs sont à la mode, j'imagine parce qu'on s'y cherche, parce que c'est une façon d'exister un peu plus, un peu autrement, d'offrir à l'Autre, inconnu ou pas... Je me dis aussi que c'est un peu vaniteux, et puis pas, peut-être que c'est simplement ce besoin d'être qui fait que... on se lance.
Ok, c'est ennuyeux cette analyse à deux sous. Mais faut bien que je m'interroge sur ma présence ici. Aimer écrire? Aimer lire? Aimer l'autre? ... Bref, il doit bien y avoir une raison, qui n'est pas celle du "je fais comme tout le monde"(cette idée ne me plairait pas! ;o)).
Je suis donc ici en période d'essai. Peut-être que ça se transformera en CDI, ou que je donnerai ma démission, ou que vous me virerez, lecteurs pour le moment absents. On verra! J'étudie(rai) la question...

Je disais, un bout de vie: je suis ergothérapeute... c'est quoi ça? Je vous laisse chercher dans le dictionnaire. Un face à face avec le monde, des gens à découvrir, à aider, des choses à partager, qui font souvent chaud dedans.
J'aime.

lundi, mars 06, 2006

Lectures d'hier, pour commencer...

"L'Enigme" de S. Rezvani

Quel mystère cache « l’Ouranos », retrouvé dérivant au large et vide de tout occupant ? La coque du cabin-cruiser est parsemée de griffures, de signes étranges et de traces de sang. A l’intérieur sont disséminés les écrits de ses passagers disparus : les membres de la célèbre famille Knigh.

Tout porte à croire qu’ils sont morts par noyade, après que l’un d’entre eux ait délibérément ôté l’échelle avant de se jeter à l’eau à son tour… Pourquoi et comment ?

Etrange énigme sur laquelle se penchent le « Théseur », le « Poète Criminologiste » et « l’Enquêteur Maritime ». Trois hommes liés à la famille Knigh, ou à sa mystérieuse disparition, d’une manière ou d’une autre.

De carnets en notes, de souvenirs en poèmes, de brouillons en ratures, le Théseur épluche ces écrits laissés en héritage afin d’y trouver le moindre indice. Aidés par ses deux compagnons aussi déterminés que lui à comprendre, il partage avec eux son analyse de la famille Knigh, les souvenirs de ses rencontres avec chacun de ses membres, tous écrivains ou écrivants, leurs paroles parfois prophétiques, les singulières relations les unissant envers et contre tout.

La tension entre les trois hommes est palpable, l’aiguillon de la curiosité constant, jusqu’à ce que l’énigme en elle-même dépasse de loin l’envie de solution. Cette énigme les unit, les réveille et révèle, allume une lumière dans leurs vies pour l’un au bord du gouffre, pour l’autre impersonnelle, ou pour le dernier la rendant plus excitante encore. Mais elle les mène aussi dans les sombres méandres de l’esprit, face à cet étourdissant et effrayant miroir qu’est le choix de la mort…

L’énigme devient L’Enigme.

Elle prend place, s’installe, prétexte aux digressions littéraires et humaines, laissant toutes solutions possibles, plus séduisantes les unes que les autres.

Qui ? Comment ? Pourquoi ?

Quelle est donc la chose la plus enivrante : le savoir ou l’imaginer ?

Ce roman est habilement et subtilement construit, il nous séduit aussi, laisse l’Enigme nous séduire surtout, nous fait aimer la question et non la réponse. Comme cette anecdote souvent rappelée par notre Théseur qui dit que si le Sphynx a épargné Œdipe, ce n’est pas parce qu’il aurait répondu correctement à cette prétendue énigme « Quel est l’animal qui le matin… etc. » variable, mais bien parce qu’il n’aurait PAS répondu, rien, pas un mot. Et donc laissé toute sa force à la question…

Séduisant, déroutant, original et donc… passionnant. Cela, ce n’est pas une énigme.

dimanche, mars 05, 2006

C'est un bon début...

C'est le moment des présentations, du premier mot. Je me demande si le mieux est de le savoir ou de l'imaginer?
Envie de me créer un coin, pour moi et les livres, pour moi et les mots. Alors je vais tenter de m'installer ici... Accrocher quelques cadres, créer ma déco, installer un canapé confortable et venir m'y asseoir, de temps en temps.
Si vous passez par là, n'hésitez pas, arrêtez-vous! ;o)